Razika Adnani : “C’est le droit des peuples et non le Coran qui sauvera les Palestiniens”



© Le contenu de ce site est protégé par les droits d’auteurs. Merci de citer la source et l'auteure en cas de partage.

Par Razika Adnani Publiée par Marianne

« Israël existera et continuera d’exister jusqu’à ce que l’islam lui mette fin comme il a mis fin à ce qui l’a précédé », est la citation, attribuée à Hassen al Banna le fondateur des Frères Musulmans, que le Mouvement de résistance islamique (Hamas) a mis à l’entête de sa Charte de 1988. Il écrit dans l’article 3 de cette même charte : « La structure de base du Hamas est composée de musulmans qui ont prêté allégeance à Dieu et l’ont adoré comme il le méritait » et dans le préambule de son document de 2017 : « La Palestine est une terre dont le statut a été élevé par l’islam ».

Une cause islamique

Ainsi, le Hamas a voulu faire de la cause palestinienne une cause islamique davantage qu’une cause nationale et politique. Son objectif est de sensibiliser le plus possible de musulmans, d’en faire la cause de tous les musulmans et de donner ainsi à la cause palestinienne une dimension internationale. C’est ce qu’il écrit dans la présentation de son mouvement dans l’article 7 de sa charte de 1988. Les manifestations organisées par les Frères Musulmans, auxquels appartient le Hamas, qui ont eu lieu un peu partout dans le monde montrent que le Hamas a réussi. Il a été assurément aidé par le renforcement de l’islamisme et du fondamentalisme islamique parmi les populations musulmanes.

Menace sur le droit des Palestiniens à l’autodétermination

Cependant, faire de la cause palestinienne une cause islamique n’est pas dans l’intérêt des Palestiniens, car cela revient à faire de la cause palestinienne celle de tous les musulmans, ce qui signifie ôter aux Palestiniens le droit de décider librement de leur sort, le droit à l’autodétermination dont disposent tous les peuples du monde. Aujourd’hui, les Gazaouis pourraient-ils négocier un traité de paix avec Israël par exemple ? Assurément des musulmans du monde entier, qui n’ont jamais vécu à Gaza ni en Palestine et qui n’ont jamais souffert de la guerre, les considéreront comme des traîtres pour la cause de l’islam. Ils les culpabiliseront en leur faisant croire que s’ils cherchent la paix avec Israël ils trahissent l’islam. En transformant la cause du peuple Palestinien en une cause de l’islam, l’objectif du Hamas n’est plus le bien-être et les droits des Palestiniens, mais la victoire de l’islam. Les Palestiniens ne sont dans ce cas qu’un moyen qu’on peut même sacrifier pour la réaliser. D’ailleurs, le Hamas n’a pas prévu d’abris pour les Gazaouis en cas d’attaque israélienne et a refusé qu’ils quittent le nord de Gaza et se réfugier dans le sud de Gaza pour se protéger des bombes. Son chef Ismaïl Haniyeh, qui vit au Qatar, a affirmé que le Hamas avait besoin du sang des femmes, des vieillards et des enfants pour susciter l’enthousiasme pour leur mouvement de résistance.

Cependant, faire de la cause palestinienne une cause islamique n’est pas dans l’intérêt des Palestiniens, car cela revient à faire de la cause palestinienne celle de tous les musulmans, ce qui signifie ôter aux Palestiniens le droit de décider librement de leur sort, le droit à l’autodétermination dont disposent tous les peuples du monde.

Interroger le Coran

Mettre la cause palestinienne sur un registre religieux oblige à s’interroger sur ce que dit l’islam au sujet d’Israël et de la Palestine et c’est ce que j’ai fait. Pour cela j’ai interrogé, avec autant d’objectivité que possible, le Coran, livre fondateur de l’islam. La première chose qu’on constate quand on lit le Coran est le nombre important de versets qui évoquent les juifs.  Ils sont désignés avec les termes juifs, enfants d’Israël ou gens du Livre. Cette dernière appellation est une reconnaissance de la part du Coran que les juifs sont porteurs d’un Livre Saint. Si nombre de ses versets attribuent aux juifs un caractère négatif, le Coran reconnaît que les enfants d’Israël sont le peuple choisi et élu de Dieu : « Nous avons sauvé les Enfants d’Israël du châtiment avilissant », « Et de Pharaon qui était hautain parmi les impies » et « Nous les avons choisis sciemment parmi tous les peuples de l’univers ». Versets 30, 31 et 32, de la sourate 44, La Fumée (mecquoise). « Ô enfants d’Israël rappelez-vous mes bienfaits dont je vous ai comblés car je vous ai préférés à tous les peuples ». Verset 47 de la sourate 2, La Vache (médinoise). Cela s’explique par le fait que le Coran reprend dans plusieurs sourates le récit biblique du peuple juif qui s’explique à son tour par le fait que l’islam est une religion qui se veut dans le prolongement du judaïsme et du christianisme également. Historiquement, c’est facile à comprendre lorsqu’on sait que les trois religions monothéistes ont vu le jour dans la même région du monde et que dans l’Arabie du VIIe siècle, où l’islam est né, il y avait des chrétiens et des juifs et notamment à Yathrib (Médine) où vivait une grande communauté juive.

Le verset 21 de la sourate 5

Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, le texte coranique qui attire le plus l’attention est le verset 21 de la sourate 5 : « Ô mon peuple pénétrez dans la terre sainte qui vous a été prescrite par Dieu et ne vous retournez pas sur vos pas vous serez parmi les perdants ». Ce sont des paroles de Moïse s’adressant à son peuple comme le montre le verset 20 qui le précède : « Et lorsque Moïse a dit à son peuple ô peuple souvenez-vous des bienfaits que Dieu vous a prodigués il vous a dépêché des prophètes issus de vous-même il a fait de vous des rois et vous a dotés de biens qu’aucun autre peuple dans l’univers n’a reçus ».

Pour le commentateur al-Tabari (839- 923) : « Dieu nous informe au sujet des paroles de Moïse, (que Dieu le bénisse et lui accorde la paix), à son peuple les enfants d’Israël et son ordre (basé sur celui que Dieu lui a donné), d’entrer en Terre Sainte ».  On retrouve la même interprétation chez ibn-al-Katir (1301-1373) et d’autres commentateurs qui n’ont soulevé aucun problème quant au sens de ce verset. La seule question qu’ils ont posée concernait la terre qui est désignée comme sainte. Ils racontent que pour certains commentateurs la Terre Sainte c’est la Palestine, pour d’autres la Palestine, la Jordanie et Damas et pour d’autres encore, c’est tout le Cham ou la grande Syrie. Le verset 137 de la sourate 7, Les Murailles (mecquoise), évoque une Terre bénie que Dieu a promis aux enfants d’Israël comme récompense pour leur patience.

Un changement dans l’interprétation

L’interprétation de ce verset 21 de la sourate 5 connaît un changement significatif à l’époque contemporaine chez des intellectuels et des religieux qu’on peut expliquer par l’apparition du conflit israélo-palestinien et le désir des islamistes, dont le Hamas, de le mettre sur un registre religieux.  Bien que l’esprit salafiste domine la mentalité des musulmans, sur ce point précis, ils ne reconnaissent pas l’interprétation des premiers commentateurs auxquels ils font référence. Dans les trois réinterprétations les plus répandues, l’idée que Dieu a accordé la Terre Sainte, la Palestine, au peuple israélien n’est pas contestée. Cependant, pour certains, Dieu a changé d’avis et a privé le peuple d’Israël de ce don parce qu’il a désobéi. Cependant, le verset 21 ne dit rien qui va dans ce sens, ni même le verset 22 qui affirme seulement que les Israéliens ont dit à Moïse qu’ils ne pouvaient pas entrer en Terre Sainte car s’y trouvait un peuple despotique et qu’ils le feront si celui-ci la quitte. Quant au verset 26, il dit que Dieu, comme punition, a interdit au peuple de Moïse d’entrer en Terre Sainte pendant quarante années et non pour l’éternité. D’autres affirment que Moïse, qui a demandé à son peuple d’entrer en Terre Sainte, s’est adressé en réalité aux musulmans. C’est l’idée que prônent certains prédicateurs musulmans selon laquelle les chrétiens et les juifs, les bons croyants parmi eux qui suivent la parole de Dieu, sont en réalité musulmans. Une idée que le verset 22 de la sourate 5 ne valide pas, car il montre qu’il ne s’agit pas de bons croyants étant donné qu’ils ont désobéi à Moïse et de ce fait à Dieu. Ils seraient donc de mauvais juifs. Il y a aussi le fait que le Coran désigne le peuple de Moïse comme des gens du Livre. Pourquoi les appeler ainsi si c’étaient des musulmans ? Pourquoi ne les désigne-t-il pas par le terme croyants comme c’est le cas pour les musulmans ? D’autres encore affirment que le peuple qui habitait la Palestine et que le peuple de Moïse avait peur d’affronter était des Arabes. Cette interprétation ne règle pas non plus le problème, car elle n’annule pas le fait que Moïse a ordonné à son peuple d’entrer en Palestine comme Terre Sainte des Israéliens. Toutes ces fragiles réinterprétations risquent de ne pas convaincre les musulmans.

Jamais l’État d’Israël n’a pu avoir des relations diplomatiques et économiques avec autant de pays musulmans que ces dernières années. Ces pays s’appuient-ils dans leur démarche sur ce verset 21 de la sourate 5 ? Assurément, le retour du religieux et la décision du Hamas de faire de la cause palestinienne une cause de l’islam ne sont pas à négliger comme éléments explicatifs. Le facteur religieux est à prendre également en considération dans les divergences exprimées par les pays musulmans quant à la manière de réagir face à Israël lors du sommet de Ryad du 11 novembre dernier.

Une cause politique par des moyens politiques

En conclusion, les Palestiniens doivent défendre leurs droits politiques en usant de moyens politiques et du droit des peuples. C’est la seule manière qui leur permettra de décider librement de leur sort, car la cause palestinienne sera la leur et non celle de tous. C’est seulement avec le combat politique qu’ils peuvent revendiquer le droit d’avoir eux aussi un État palestinien, aux côtés de l’État israélien, indépendant et libre en Palestine où ils ont toujours vécu. La solution à deux États, un palestinien et l’autre israélien, où chacun respecte les frontières de l’autre est la meilleure pour une paix durable. Certes, l’idéal serait que les juifs et les musulmans vivent ensemble en paix dans un même État, mais pour cela il faudrait que les êtres humains fassent un peu plus de progrès dans le cheminement vers leur maturité.

Razika Adnani

رزيقة عدناني

© Le contenu de ce site est protégé par les droits d’auteurs. Merci de citer la source et l'auteure en cas de partage.

5 Commentaire(s)

  1. Soupa Anne dit :

    Très bien ton commentaire, Razika, merci. Bien à toi, Anne

    1. Razika Adnani dit :

      Merci Anne.
      Bien à toi,
      Razika

  2. Rateni Azzedine dit :

    Votre commentaire n’a aucun rapport avec la réalité. Vous dites clairement que les Palestiniens doivent exclure le Coran dans leur lutte pour la reconnaissance de leur État. Les Palestiniens n’ ont pas cette approche . Posez leur la question et vous verrez que ce n’est pas du tout central dans leur vie. Ils aspirent fondamentalement à vivre en paix avec le monde entier et Israël en premier dans un État qui a toujours été le leur : voir le livre de Josue où figure Falestine au côté des 12 tribus d’ Israël. Tout le reste n’est qu’affabulations et mensonges.

    1. Dad dit :

      Pour comprendre les propos de Razika Adnani, il faut lire la Charte de Hamas.
      Et ensuite, si ce que vous dites est vrai, pourquoi les Palestiniens ont-ils refusé la résolution de l’ONU de 1947 qui partage la Palestine entre juifs et Arabes?

  3. Rateni Azzedine dit :

    Si vous êtes une intellectuelle honnête et respectable , ce dont je ne doute pas, vous ferez paraître mon commentaire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *