Le hayek


Le hayek est le terme qui désigne le voile traditionnel porté par les femmes dans certaines villes algériennes mais aussi marocaines et tunisiennes. Le plus célèbre est celui d’Alger, tissé en soie blanche avec des fils dorés appelé hayek m’rama, apparu à la fin du xixe siècle et qui fut porté, avec une petite voilette qui couvrait le visage de la femme, appelée « ajar ». Le Hayek existait également au Maroc et en Tunisie et dans d’autres villes algériennes avec différentes variations et appellations.
Le hayek avait le même rôle social et politique et la même symbolique que le voile d’aujourd’hui. Cependant, il était plus contraignant pour le corps de la femme, étant donné qu’il le couvrait entièrement ainsi que le visage, d’autant plus qu’il ne permettait pas à la femme d’utiliser librement ses mains occupées à le tenir.
Que le hayek soit souvent en soie ne change rien à son rôle, celui de l’effacement de la femme de l’espace extérieur et de son exclusion du monde du travail et du savoir. Cela ne change rien à ce qu’il représente, une culture où la société et la politique se font sans les femmes. Le hayek n’était pas moins patriarcal et discriminatoire que le voile que les talibans imposent aujourd’hui aux femmes afghanes.
Ce n’est pas l’armée française qui a obligé les femmes algériennes à se libérer du port du hayek comme beaucoup aiment le dire aujourd’hui en France. Le monde musulman a connu une libération des femmes du port du voile qu’on leur imposait grâce aux combats d’hommes et de femmes du début du XXe siècle, tel que Tahar Haddad qui a écrit en 1930 dans son ouvrage Notre femme, la législation islamique : « L’usage du voile était imposé à la femme dans le dessein d’éloigner la tentation. Cela fait penser à l’usage de la muselière que l’on impose au chien afin qu’il ne morde pas les passants ». La Libanaise Nazira Zein Eddine a écrit en 1928 Le voile et le dévoilement dans lequel elle a critiqué les religieux qui imposaient le voile aux femmes. La Libanaise Anbara Salam Khalidi (1897- 1951) a enlevé publiquement son voile à Beyrouth en 1927. La Syrienne Turaya al-Hafez (1911-2000) a conduit, en 1942 « une marche de protestation d’une centaine de femmes jusqu’au siège du gouvernement, où elles ont enlevé toutes leurs voiles.
La libération des femmes du voile a été un phénomène qui avait concerné toutes les sociétés musulmanes. Les Algériens étaient colonisés, mais pas coupés du monde et n’étaient pas en retrait des bouleversements qui le traversaient. Beaucoup d’ Algériennes ont abandonné le voile, comme le montrent les photos des combattantes de FLN, parce que c’était un des plus grands combats féministes du début du XXe siècle dans tout le monde musulman.
Razika Adnani