Razika Adnani : “L’un des objectifs de la réforme de l’islam est de le dissocier de sa dimension politique” (Marianne)
Philosophe et islamologue, Razika Adnani rappelle les origines anciennes de l’islam politique et estime qu’une telle dissociation est indispensable pour une meilleure intégration des musulmans de France et d’Occident dans la culture de leur pays. Marianne
En France, en cette période électorale où l’islam s’invite dans les débats politiques, des intellectuels et des politiques affirment sur les chaînes de télévision et les ondes de radio que les problèmes qui se posent ne concernent pas l’islam, mais seulement l’islamisme, qui est l’islam politique, et que « l’islam n’est pas l’islamisme ». Une telle déclaration n’est pas dans l’intérêt de l’islam et par conséquent de la France et des musulmans partout dans le monde.
« L’islam n’est pas l’islamisme » n’est dans l’intérêt ni de la France, ni de l’islam, ni des musulmans partout dans le monde.
Je dis cela car la réforme de l’islam s’impose aujourd’hui plus que jamais. Proposer aux musulmans un islam nouveau plus adapté aux valeurs modernes et modes de vie et organisation sociale actuels est une nécessité et même un acte de responsabilité. Cependant, comme toute réforme, celle de l’islam exige également une prise de conscience, de la part notamment des musulmans, que l’islam tel qu’ils le conçoivent et le pratiquent pose un problème qui nécessite une solution. C’est de cette prise de conscience que naîtra la volonté de mener cette réforme. Or, affirmer que « l’islam n’est pas l’islamisme » sous-entend que l’islamisme est le seul responsable des problèmes qui se posent dans nos sociétés actuelles et que l’islam lui n’y est pour rien. Cela revient à dire qu’il n’y a rien à exiger de l’islam ni de raison à ce que les musulmans l’interrogent ou procèdent à sa réforme.
L’expression « ce n’est pas l’islam, mais l’islamisme » s’inscrit dans la même logique que « ce n’est pas l’islam, mais les musulmans », que les conservateurs musulmans ont utilisée pour contrer la réforme de l’islam et des sociétés musulmanes voulue par certains intellectuels musulmans depuis le début du XXe siècle. Ils ont répété eux aussi que l’islam n’avait rien à se reprocher et que si problème il y avait c’était la faute aux musulmans qui s’étaient éloignés de son vrai message.
« En réalité, le terme islamisme désigne la religion musulmane tout comme le christianisme et le judaïsme désignent respectivement les religions chrétienne et juive. »
On ne peut pas en effet raconter aux musulmans que l’islam ne pose aucun problème, mais que c’est seulement l’islamisme, et leur demander ensuite d’accepter que les hommes et les femmes soient égaux alors qu’ils ne le sont pas dans le Coran, livre fondateur de l’islam. C’est très perturbant de demander aux jeunes de respecter la liberté de conscience et leur dire en même temps que l’islam ne pose aucun problème, mais seulement l’islamisme, alors que cette liberté n’est pas reconnue dans l’islam qui leur est proposé.
L’origine de la distinction entre l’islam et l’islamisme remonte aux années 1970 lorsque certains intellectuels français ont utilisé le terme islamisme pour désigner les mouvements politiques s’activant au nom de l’islam dans l’objectif de prendre le pouvoir et d’imposer la charia. Ils étaient motivés, en général, par la bonne intention de préserver la sensibilité des musulmans en distinguant l’islam, leur religion, de ces mouvements politiques. Ils ont défini l’islamisme comme une idéologie contemporaine résultant d’un détournement de l’islam à des fins politiques qu’ils ont remonté à l’apparition du wahhabisme au XVIIIe siècle ou à la création de la Confrérie des frères musulmans en 1928. Pour Jean-François Clément, il s’agit d’un mouvement moderne qui n’est pas lié à une tradition musulmane quelconque.
En réalité, le terme islamisme désigne la religion musulmane tout comme le christianisme et le judaïsme désignent respectivement les religions chrétienne et juive. C’est dans ce sens qu’il a été utilisé dans la littérature française. Le terme islam est son équivalent dans la langue arabe. Même si Ernest de Renan a utilisé dans sa conférence « L’islamisme et la science » les deux termes en même temps : l’islam et l’islamisme, c’est au début du XXe siècle que le terme islam s’est imposé au détriment de l’islamisme pour désigner la religion musulmane. Il a été considéré par beaucoup comme plus légitime, car c’est ainsi qu’il apparaît dans le Coran. Ce changement lexicographique révèle un désir de remplacer les termes français par des termes arabes quand il faut évoquer l’islam. Dernièrement, la campagne du Conseil de l’Europe pour la promotion du voile a elle aussi utilisé le terme hidjab au lieu du voile. Dès le lendemain, presque tous les Français ont préféré le terme hidjab pour désigner le voile. Il est probable que dans quelques années on dise que le hidjab n’est pas le voile.
À présent, si on admet que l’islamisme est l’islam politique, l’islam est politique depuis l’an 622 lorsque le prophète a quitté La Mecque pour s’installer à Médine. Les versets coraniques ont pris en plus du caractère spirituel un caractère juridique et donc politique, alors qu’à La Mecque, où le prophète était uniquement un prédicateur prêchant la nouvelle religion, ils avaient un caractère quasi spirituel.
L’islam aurait pu ne pas être un islamisme si les musulmans l’avaient voulu, car la question de la nature de l’islam pour savoir s’il est une religion ou une religion et une organisation sociale a été posée dès le VIIIe siècle. Certains musulmans, situés en Irak, ont affirmé que les versets médinois étaient circonstanciels et ne pouvaient pas représenter l’islam en tant que message spirituel universel et qu’il fallait le limiter à la période de La Mecque. Pour les premiers musulmans, ceux de l’Arabie, le Coran est un tout indivisible et la période médinoise représente l’islam dans sa version la plus aboutie. Cette conception de l’islam des Médinois est celle qui a réussi à s’imposer.
« Présenter l’islamisme politique comme une idéologie contemporaine le coupe de ses éléments théologiques mais aussi de son histoire pourtant nécessaire dans la compréhension de ce phénomène. »
On pourrait supposer que ceux qui affirment que l’islam n’est pas l’islamisme parlent uniquement de l’islam de la période mecquoise. D’une part, il faudrait qu’ils l’expliquent et le précisent, et, d’autre part, ce n’est pas l’islam tel que les musulmans, dans leur très grande majorité, le conçoivent et le pratiquent. Aujourd’hui, presque tous les États musulmans déclarent dans leur constitution que l’islam est la religion de l’État et l’utilisent comme un moyen pour faire de la politique en donnant à la charia une place importante dans leur système juridique. En Égypte, si les Frères musulmans veulent appliquer la charia, l’État égyptien stipule dans sa constitution, et cela depuis 1971, que la charia est la loi fondamentale du pays.
L’histoire de l’islam et des sociétés musulmanes a également été marquée par des mouvements politiques qui agissaient au nom de l’islam. Rappelons que trois sur quatre des premiers califes ont été assassinés pour des raisons politico-religieuses et le terrorisme de la confrérie des Assassins (XIe siècle – XIIIe siècle) applique les mêmes pratiques que celui d’aujourd’hui : tuer des gens par surprise chez eux ou dans la rue après les avoir jugés mécréants et condamnés à mort. Présenter l’islam politique comme une idéologie contemporaine le coupe de ses éléments théologiques mais aussi de son histoire pourtant nécessaire dans la compréhesion de ce phénomène, de son explication et dans la réforme de l’islam.
L’un des objectifs de cette réforme est justement de dissocier l’islam de sa dimension politique afin qu’il soit une religion et non une politique. Cette dissociation est indispensable pour toute réforme sociale et politique des sociétés musulmanes et pour une intégration des musulmans de France et d’Occident dans la culture de leur pays.
Razika Adnani
La réforme de l’islam, une question de responsabilité
Face au totalitarisme, l’urgence d’une réforme de l’islam ( Entretien de Razika Adnani avec Alexandre Del Valle)
« Il n’y a pas de frontières entre l’islam et l’islamisme » (Razika Adnani, philosophe et islamologue). Entretien accordé à Algérie Cultures
2 Commentaire(s)
L’Islam est un ensemble de prescriptions divines qui est à prendre ou à laisser, on ne peut pas faire disparaitre certains versets du Livre de Dieu qui traitent de sujets qui ne sont pas au gout des passions de BHL, Sarkozy ou Eric Zemmour, on peut ne pas être d’accord sur l’interprétation de certains aspects de la religion mais de là à la faire passer au tamis pour l’expurger de certains de ses textes et bien voici ce que vous répond le Saint-Coran chère madame :
« 𝘼𝙙𝙢𝙚𝙩𝙩𝙧𝙞𝙚𝙯-𝙫𝙤𝙪𝙨 𝙨𝙚𝙪𝙡𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙪𝙣𝙚 𝙘𝙚𝙧𝙩𝙖𝙞𝙣𝙚 𝙥𝙖𝙧𝙩𝙞𝙚 𝙙𝙪 𝙇𝙞𝙫𝙧𝙚 𝙚𝙩 𝙚𝙣 𝙧𝙚𝙟𝙚𝙩𝙩𝙚𝙧𝙞𝙚𝙯-𝙫𝙤𝙪𝙨 𝙡𝙚 𝙧𝙚𝙨𝙩𝙚? 𝙌𝙪𝙚𝙡 𝙩𝙧𝙖𝙞𝙩𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚𝙫𝙧𝙖 𝙚̂𝙩𝙧𝙚 𝙧𝙚́𝙨𝙚𝙧𝙫𝙚́ 𝙖̀ 𝙘𝙚𝙪𝙭 𝙦𝙪𝙞 𝙖𝙜𝙞𝙨𝙨𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚 𝙡𝙖 𝙨𝙤𝙧𝙩𝙚, 𝙨𝙞𝙣𝙤𝙣 𝙡’𝙞𝙜𝙣𝙤𝙢𝙞𝙣𝙞𝙚 𝙙𝙖𝙣𝙨 𝙘𝙚 𝙢𝙤𝙣𝙙𝙚 𝙚𝙩 𝙡𝙚 𝙘𝙝𝙖̂𝙩𝙞𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙡𝙚 𝙥𝙡𝙪𝙨 𝙞𝙢𝙥𝙞𝙩𝙤𝙮𝙖𝙗𝙡𝙚 𝙙𝙖𝙣𝙨 𝙡’𝙖𝙪𝙩𝙧𝙚 ? 𝘿𝙞𝙚𝙪 𝙣’𝙚𝙨𝙩 𝙥𝙖𝙨 𝙞𝙣𝙖𝙩𝙩𝙚𝙣𝙩𝙞𝙛 𝙖̀ 𝙫𝙤𝙨 𝙖𝙜𝙞𝙨𝙨𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩𝙨 ».
[أَفَتُؤْمِنُونَ بِبَعْضِ الْكِتَابِ وَتَكْفُرُونَ بِبَعْضٍ فَمَا جَزَاءُ مَنْ يَفْعَلُ ذَلِكَ مِنْكُمْ إِلَّا خِزْيٌ فِي الْحَيَاةِ الدُّنْيَا وَيَوْمَ الْقِيَامَةِ يُرَدُّونَ إِلَى أَشَدِّ الْعَذَابِ وَمَا اللَّهُ بِغَافِلٍ عَمَّا تَعْمَلُونَ]
On voit bien que vous ne connaissez pas votre religion ni le Coran. Car comme le dit Razika Adnani dans plusieurs de ses textes, les musulmans n’appliquent pas toutes les recommandations coraniques. Cela n’a rien a voir avec BHL, ni Sarkozy ni Eric Zemmour, Quand les musulmans ont décidé à partir du XIXe siècle d’en finir avec l’esclavage alors qu’il est reconnu et codifié par 25 versets coraniques autrement dit, ils ont décidé de ne plus appliquer ses versets ,BHL, Sarkozy ou Eric Zemmour ne faisait pas partie de ce monde. Les musulmans ont également décidé de ne pas appliquer les versets qui autorisent la consommation du vin pour mettre en pratique ceux qui l’interdisent alors , ils ont donc abrogés des versets coraniques alors que BHL, ni Sarkosy ni Zemmour ne faisaient pas partie de ce monde.