Défendre le port du voile au nom de l’égalité est un non-sens



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Razika Adnani, 26 février 2019, Conférence de Paris, Unesco

Publié par Marianne

La philosophe et islamologue Razika Adnani revient sur la question du burkini, alors qu’une piscine parisienne a été récemment fermée à cause d’une action pro-burkini. Marianne

En France, le burkini, version maillot de bain du voile, est un sujet qui suscite beaucoup de polémique. Des femmes musulmanes réclament l’autorisation de le porter au niveau des piscines publiques. Leur argument le plus évoqué est celui de l’égalité qui consiste à traiter également tous les citoyens. Elles sont soutenues dans leur combat par beaucoup de Français qui, au nom de la laïcité, réitèrent le même argument.

Le port du voile est fondamentalement discriminatoire 


Sans doute, le principe de l’égalité est une valeur morale, sociale et politique que chacun doit défendre et préserver partout dans le monde. Or, c’est justement au niveau de ce principe que le port du voile, dans toute ses versions, pose problème. Il suffit pour cela de se rappeler qu’il est imposé à la femme alors que l’homme s’habille selon sa convenance. Le port du voile est un signe de discrimination à l’égard de la femme qui en cache et en engendre beaucoup d’autres dont le plus simple concerne le droit de jouir des bienfaits que la nature nous offre. Combien de fois avons-nous vu, en été lors des grandes chaleurs, des hommes avec des bermudas et des tee-shirts alors que leurs femmes marchaient à côté d’eux complètement couvertes. À la plage, l’homme a le droit de jouir de la chaleur du soleil caressant sa peau tandis que la femme, à cause de son corps dont on lui a toujours appris qu’il était un problème et qu’elle devait le dissimuler, est privée de ce plaisir”.

Il suffit pour cela de se rappeler qu’il est imposé à la femme alors que l’homme s’habille selon sa convenance. Le port du voile est un signe de discrimination à l’égard de la femme

Ainsi, évoquer l’argument d’égalité en défendant le voile ou sa version maillot de bain est un non-sens d’autant plus que ceux qui l’ont imposé à la femme n’ont pas caché son caractère discriminatoire. Avant même l’arrivée de l’islam, le voile était pour Saint Paul le signe visible de la subordination de la femme à l’homme. « Ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme.  Et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance », écrit-il dans son épître aux Corinthiens. Pour Saint Paul, la femme doit se couvrir la tête pour marquer une distance entre elle et Dieu. En revanche, l’homme a le monopole du rapport direct avec Dieu. 

C’est une erreur de croire que le voile libère la femme

C’est également une erreur de croire que le voile libère la femme. La preuve en est qu’en France la femme était libre de sortir, d’aller à la plage avant l’arrivée du voile et du burkini. L’idée du voile libérateur de la femme est née chez certains intellectuels maghrébins qui pensaient que le voile a permis à la femme de sortir de la maison et d’investir l’espace public. Or, c’est le combat acharné des féministes, femmes et hommes de la première moitié du XXe siècle, qui a délivré la femme musulmane de sa prison à vie et en même temps de l’obligation de porter le voile ; à souligner que cette libération ne concernait pas toutes les femmes. Néanmoins, dans les années 60 et 70 dans beaucoup de pays musulmans, il était inconcevable qu’une femme qui travaille ou qui va à l’université porte le voile. Le voile s’imposant aujourd’hui est essentiellement une revanche des conservateurs. À défaut de ramener la femme à la maison, ils lui ont imposé à nouveau le port du voile. Quant au voilement des petites filles, il est suffisant pour contredire l’argument de la liberté. Si celle-ci est avant tout un choix en connaissance de cause, on ne peut pas prétendre que les petites filles sachent pourquoi elles se voilent ou qu’elles aient atteint la maturité intellectuelle et morale permettant de choisir de le faire ou pas.

Le voilement des petites filles est suffisant pour contredire l’argument de la liberté. Si celle-ci est avant tout un choix en connaissance de cause, on ne peut pas prétendre que les petites filles sachent pourquoi elles se voilent ou qu’elles aient atteint la maturité intellectuelle et morale permettant de choisir de le faire ou pas.

Le burkini n’est pas un signe de modernité

Ainsi et contrairement à ce que pensent certains universitaires français, le voile ne peut pas être un signe de modernité y compris dans sa version maillot de bain « le burkini », bien que ce dernier ait été inventé en 2003 sauf à considérer que la modernité est ce qui est récent, ce qui est lié au temps et à l’époque. Alors que lorsqu’il s’agit du comportement des hommes et des femmes, la modernité comme le précise Michel Foucault est une attitude. « Définition que j’approuve et que je pousserais même plus loin en affirmant qu’il s’agit d’un état d’esprit, grâce auquel l’être humain prouve sa maturité [1]».L’un des aspects de cette maturité est sans doute celui de l’égalité de tous les êtres humains et l’égalité hommes-femmes ne peut s’en dissocier alors que le port du voile imposé à la femme et non à l’homme est une pratique discriminatoire.

Personne ne peut ignorer que les musulmans ne pratiquent pas tous l’islam de la même manière. Les plus orthodoxes ne le conçoivent que dans sa version du VIIe siècle. En revanche, aujourd’hui beaucoup d’autres ne rejettent pas le changement mais veulent l’inscrire au sein de l’islam. Les femmes qui portent le burkini appartiennent à cette tendance. Elles veulent être des femmes qui travaillent, qui vont à la piscine et à l’université tout en se soumettant aux règles de l’islam dont le premier signe visible est le port du voile. 

Ce n’est pas parce que la femme travaille et siège même dans des assemblées que le voile qu’elle porte sur la tête a changé de discours, de sens ou d’objectif, qu’il est devenu un signe de modernité, d’égalité et de liberté. 

Le discours que le voile transmet ne reconnaît que le corps

Un autre élément qui empêche de qualifier le burkini de moderne est le fait que la modernité valorise l’humain en tant qu’être penseur et responsable alors que le discours que le voile transmet aux musulmans ne reconnaît que le corps. Il parle de la femme comme un corps suscitant le désir et de l’homme comme un corps mu par ses instincts. Le voile ne valorise pas la liberté ni celle de la femme ni celle de l’homme. Ses adeptes ajoutent que la seule façon pour la femme de se protéger contre les agressions sexuelles de l’homme est de couvrir son corps. Cette déshumanisation de l’homme, un tribut que celui-ci paye pour obtenir de la femme qu’elle se voile, a des conséquences désastreuses sur les relations inter-individus et la qualité de vie au sein des société musulmanes ; la femme a été assignée à la claustration à vie pendant des siècles, une pratique barbare et un crime contre l’humanité qu’il ne faut jamais oublier. 

Ainsi, le burkini tout comme le voile transmet un discours, il a également une histoire et une culture. On ne peut l’aborder ou l’analyser en faisant fi des éléments qui l’entourent. Autrement, les principes d’égalité et de liberté se retournent contre la modernité, et la laïcité au lieu de protéger la femme menace ses acquis. 

Le burkini tout comme le voile transmet un discours, il a également une histoire et une culture. On ne peut l’aborder ni l’analyser en faisant fi des éléments qui l’entourent. Autrement, les principes d’égalité et de liberté se retourneraient contre la modernité, et la laïcité au lieu de protéger la femme menacerait ses acquis. 

Razika Adnani


[1] Razika Adnani, La nécessaire réconciliation, UPblisher, p.60

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3 Commentaire(s)

  1. Mathieu dit :

    Merci pour cet article.

  2. Hubert Fontana dit :

    Merci pour cette brillante analyse.

  3. Leila Hamoutene dit :

    Je partage totalement votre opinion, non seulement la femme est voilée c’est à dire que sa liberté est entravée mais elle le fait également pour protéger l’homme de lui même …

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